Apprenance et motivation

Thème : Apprenance

"Un ensemble de dispositions, chez l'individu apprenant, affectives, cognitives et conatives, favorables à l'acte d'apprendre, dans toutes les situations formelles ou informelles, de façon expérientielle ou didactique, autodirigée ou non, intentionnelle ou fortuite"

Définition de l'apprenance - Philippe Carré

Cet article a pour but de préciser le concept d'apprenance. Pour une vision plus concrète de la traduction de l'apprenance au CDI, du "CDI apprenant", je vous renvoie à la lecture de cet autre article sur le site Docs pour Doc.

 

La motivation à entrer dans l’apprentissage ou autodétermination 

            Pour entrer dans l’apprentissage, il faut être motivé. La motivation peut être intrinsèque (venir du sujet lui-même) ou extrinsèque (donnée par un élément extérieur au sujet). Un « apprenant autodéterminé »  est un individu qui décide lui-même du sens et des buts de la formation qu’il entreprend. Nous sommes là dans le cas d’un sujet motivé intrinsèquement.

Parfois, le sujet sera autodéterminé sur les buts mais va accepter des moyens d’apprentissage qui lui seront donnés. De même, le but peut être imposé (par exemple par l’adaptation nécessaire au métier) mais les moyens décidés par l’apprenant.

La motivation la plus forte est celle où le sujet décide des buts et des moyens, la plus faible quand le sujet ne décide ni de l’un ni de l’autre.

 

Persistance dans l’apprentissage

            Etre motivé pour s’engager dans une démarche d’apprentissage n’est pas suffisant. Laurent Cosnefroy nous le dit : « Il ne suffit pas d’être motivé pour apprendre et être autonome. Il faut le rester et faire quelque chose pour entretenir un niveau initial de motivation dont rien ne garantit la pérennité au cours de l’apprentissage ». Chez l’adulte, la démarche de formation se heurte à des obstacles et il est nécessaire, pour maintenir la démarche, de « protéger l’acte d’apprendre ».

Toujours selon cet auteur, les facteurs qui mettent « en péril la continuité de l’apprentissage » sont :

- La concurrence attentionnelle : il faut arbitrer entre activités concurrentes (domestiques, familiales, loisirs) et « trouver des réponses adaptées pour protéger l’intention d’apprendre et maintenir la priorité sur l’activité en cours ».

- La confrontation à la difficulté : la difficulté rencontrée demande un surcroit d’énergie pour analyser les erreurs, trouver des stratégies de résolution et ne pas se décourager.

            Pour gérer l’incertitude liée à la démarche d’apprentissage, le sujet met en place des stratégies volitionnelles. Ces stratégies ont pour but de maintenir la volonté d’apprentissage en « domptant » l’imprévisibilité de l’action d’apprentissage.

 

Le sentiment d’efficacité personnelle (SEP)

            Le sentiment d’efficacité personnelle est une théorie d’Albert Bandura. Il s'agit des croyances que celui qui apprend a sur ses capacités à apprendre dans une situation donnée. L’impact de ce sentiment est fort et sur l’autodétermination et sur l’autorégulation des apprentissages. Selon Philippe Carré ce sentiment est si puissant qu’il a des effets sur les performances, indépendamment de l’expertise réelle. Un sujet avec un sentiment d’efficacité personnelle fort aura de meilleurs résultats qu’un autre avec plus de compétences mais un sentiment d’efficacité personnelle faible.

            Ce sentiment d’efficacité personnelle se construit à partir de deux processus principaux :

- le premier processus est l’intégration de son expérience de vie par le sujet : réussites ou échecs vont conditionner le sentiment d’efficacité personnelle.

- le deuxième processus se met en place lorsque le sujet voit quelqu’un qu’il estime de compétences égales aux siennes réussir une action : cela va accroître son sentiment d’efficacité personnelle.

             Il y a un lien direct entre le sentiment d’efficacité personnelle et l’acceptation de l’incertitude de l’apprentissage, elle-même obstacle majeur à la démarche d’apprentissage. Le sentiment d’auto-efficacité, ou d’efficacité personnelle, incite à se fixer des buts plus ambitieux, et permet une meilleure autorégulation dans l’effort : persistance et résilience face aux difficultés.

 

L’estime de soi et le développement personnel       

            Philippe Carré nous rappelle que, comme nous venons de le voir précédemment, les comportements d’apprentissages les plus autodirigés sont :

- Ceux qui sont les plus librement entrepris

- Ceux qui sont les mieux « servis par des stratégies d’apprentissages autorégulés »

- Ceux qui sont le mieux soutenus par un bon sentiment d’efficacité personnelle

            Or, le sentiment d’autoefficacité, nous l’avons dit, est lié à une situation donnée. Le sujet apprenant peut se sentir très compétent dans un domaine spécifique et incompétent dans un autre. Ainsi, si le sentiment d’autoefficacité participe de l’estime de soi, il ne la recouvre pas en totalité. Pour ouvrir à une vision plus large de développement personnel, nous pouvons nous référer à Joseph Nuttin selon qui la motivation humaine est fondée sur le désir « d’auto-développement », désir constant de dépassement d’un état vers un état supérieur.

            La vision de Joseph Nuttin apporte un élargissement intéressant de l’autoformation au développement personnel : « dans la mesure où l’on réussit à percevoir sa formation continue [...] non seulement comme une voie à suivre […] mais comme le chemin de son propre accomplissement, la condition essentielle d’une motivation authentique est remplie ». Selon Deci et Ryan, cités par Philippe Carré, « le sujet est pro-actif, orienté vers l’avenir est animé de trois besoins fondamentaux […] : se sentir compétent, autonome et socialement intégré sur la base d’une tendance naturelle au développement de soi ».

 

L’apprenance : pour un changement de paradigme

            Les dispositions personnelles sont donc déterminantes dans l’acte d’apprendre. Avec le concept d’apprenance, nous pouvons aller encore plus loin en mettent l’accent de façon forte sur la posture d’apprentissage, plus encore que sur les savoirs transmis.

Le concept d’apprenance est défini ainsi par Philippe Carré: "Un ensemble de dispositions, chez l'individu apprenant, affectives, cognitives et conatives, favorables à l'acte d'apprendre, dans toutes les situations formelles ou informelles, de façon expérientielle ou didactique, autodirigée ou non, intentionnelle ou fortuite". L’apprenance est au croisement des dispositions individuelles (dans une vision centrée sur l’individu et ses expériences de vie) et des dispositifs d’apprentissages, qu’ils soient formels (conçus pour l’apprentissage) ou non formels (non conçus initialement pour l’apprentissage). Mais Philippe Carré prévient : l’apprenance ne se décrète pas, ne s’achète pas. Pour développer l’apprenance des individus, il est nécessaire de concevoir des dispositifs d’apprentissages qui facilitent les apprentissages autodirigés.

 

A lire pour compléter :

CARRE, P. (2010). L’autodirection des apprentissages. In CARRE, P et al. L’autoformation . Paris : Presses Universitaires de France.

NUTTIN, J. (1980). Motivation et perspective d’avenir. Louvain, Presses universitaires de Louvain

COSNEFROY, L. (2010). L’apprentissage auto-régulé : perspectives en formation d’adultes. Savoirs, 2(23).