Traduit de l'italien par Fausto Giudice
Cahier photos par Gilles Sabrié
Le livre de Simone Pieranni est le récit du cheminement critique d'un observateur attentif, qui tente de déceler les contradictions et de recenser les événements et les faits pour expliquer comment la Chine est en train d'accumuler lentement - mais pas si lentement que cela - des positions de domination dans le nouveau siècle, tout comme les États-Unis l'ont fait pour le XXe siècle.
Ce que ce livre révèle, c'est que le monde en gestation dans lequel nous vivons est un monde profondément contradictoire, fondé sur des rapports de force et non sur un pouvoir unilatéral absolu. Le constat est déterminant : dans le système chinois, le mythe du solutionnisme numérique s'accompagne d'une économie de la corruption. Généralement, l'efficacité technologique, ou la méritocratie, sont saluées par les capitalistes comme une libération de la corruption et de la bureaucratie. C'est le contraire : ils ne font que multiplier contraintes et problèmes.
La Chine n'est plus seulement l'atelier industriel de la planète, elle aspire aujourd'hui à être le numéro un technologique du capitalisme cognitif, ce bien entendu sous la direction vigilante du Parti communiste. Le site italien minima&moralia nous offre un entretien fort opportun avec Simone Pieranni, journaliste au quotidien de gauche Il Manifesto, qui vient de publier un livre sur le sujet.
La Chine a longtemps été considérée comme « l'usine du monde » fabriquant pour l'Occident, grâce à sa main d'oeuvre surexploitée, les biens de consommation puis les objets technologiques conçus dans la Silicon Valley.
Cette période est révolue : en développant massivement recherche, éducation et investissements, la Chine est devenue leader dans le domaine des technologies. Intelligence artificielle, villes intelligentes, paiement via les smartphones, surveillance et reconnaissance faciale sont déjà des réalités de l'autre côté de la Grande muraille numérique.
L'avenir s'écrit dorénavant en Chine. Mais quel avenir ?
Les stratégies géopolitiques de Xi Jinping, l'organisation du contrôle social et l'acceptation confucéenne de la surveillance personnalisée par le plus grand nombre sont le moteur de ce développement à marche forcée. Et ouvre la porte d'un monde qui ressemble déjà à la série dystopique dont s'inspire le titre de cet ouvrage.
Un regard lucide sur la place du numérique dans la Chine d'aujourd'hui, écrit par un journaliste qui y a vécu longtemps et qui continue de suivre les évolutions rapides des industries de pointe. Alors que les équilibres mondiaux changent, le récit de Simone Pieranni donne des clés essentielles pour comprendre la nouvelle situation.
Les photographies de Gilles Sabrié rendent sensible avec beaucoup d'humanité la vie quotidienne d'un pays qui s'est mis au service du numérique.
Simone Pieranni a vécu en Chine de 2006 à 2014 et y retourne régulièrement. Il a fondé en 2009 l'agence de presse China Files spécialisée sur l'Asie. Il est actuellement journaliste au sein du quotidien Il manifesto pour lequel il suit de près ce qui se passe à Pékin. Il est l'auteur de plusieurs essais et romans et anime le podcast Risciò consacré à la Chine.
Gilles Sabrié est photographe de presse et vit à Pékin. Ses photos sont apparues dans de nombreuses publications à travers le monde, entre autres, Le Monde, The New York Times, The Wall Street Journal, Time magazine, Geo, National Geographic, Der Spiegel, L'Espresso, The Observer, The Guardian...